Si seulement…
Une goutte tombe sur la surface étale de la fontaine en pierre. Un oiseau chante. C’est un nuage qui se reflète dans l’eau. Une feuille s’envole, tournoie, et moi je te regarde pleurer.
Je sens ta gorge serrée, ton ventre noué. Je n’ai pas besoin de tes mots, tes yeux suffisent. Voilà 10 ans maintenant qu’on ne s’est pas parlé. Dix ans à imaginer la vie que tu avais, les hommes que tu croisais, ceux qui t’avaient fait chavirer le cœur, ceux qui passaient juste une nuit, histoire que tu te rappelles que tu avais un corps, ceux qui te regardaient comme une catin, et ceux pour qui tu étais une pierre précieuse… Ceux-là, tu voulais les garder toujours, mais aucun n’est resté…
Une fleur s’abime en pétales dispersés par le vent. L’un d’eux se colle dans tes cheveux bouclés. Moi, je t’ai toujours trouvée belle. Belle comme un soir d’été humide, après la pluie d’orage. Belle comme une main abandonnée sur une épaule éplorée.
Tes larmes coulent, tu n’en peux plus et je te regarde, comme j’aurais aimé pouvoir le faire chaque heure de chaque jour depuis dix ans. Tu étais partie, tu avais laissé la clé sur la porte. Moi, j’avais le cœur à nu et c’était comme si tu avais marché dessus.
Les histoires les plus belles s’écrivent dans le silence. Tu n’as jamais compris que j’avais toujours été là pour toi. La brise soulève ta jupe fleurie, et les minuscules tâches de rousseur sur tes joues brillent des larmes que tu laisses couler. Une odeur de pomme trop mûre. Je passe ma main sur l’herbe, juste assez haut pour l’effleurer et je souris. Simplement. Je souris, je ne peux pas m’en empêcher. Je viens d’arriver à te dire que tu es et resteras toujours la seule pour moi. Toi, tu as pris ma phrase au vol, tu l’as regardée tourner sans comprendre pendant un long moment. Tu as fini par décider que c’était vrai. Tu réalises le temps perdu à se chercher. Celui, abîmé à force d’usure, à parcourir des draps où tu n’étais pas chez toi.
Un petit chat se pointe, qui minaude et se frotte sur ton mollet. Tu laisses ta main traîner pas loin, et il est là, qui se frotte, c’était prévisible.
Tu me regardes, enfin. Jusque-là tu visais l’horizon, avec tes yeux d’étang brouillé par les algues. Je sais que tu sais.
Tu me prends la main. Il n’y a jamais eu d’autre histoire. Tu as juste mis dix ans à le comprendre.
Je suis patient. Je restais là, tapi dans l’ombre d’histoires courtes, je savais que tu viendrais. On entend les cloches de l’église sonner, ça fait vibrer les pâquerettes tout autour de nous. Tu me regardes et ma main, tu la presses dans la tienne.
Tu m’embrasses. Enfin. La vie peut commencer, d’une autre manière. Une manière que j’aime.
Ces miracles dont on ne se lasse jamais…
On en a vécu, des aventures… De la ruelle montréalaise aux pontons de Pointe à Pitre, des couleurs des érables dorés à celles de la mer aux Bahamas… Et puis ces moments de route sur les sentiers de Stevenson, les chemins de la Loire à vélo, le bivouac dans les Pyrénées, les petites soirées raclette et les grandes tablées dans la famille. Les instants partagés, et ceux où je vous regardais grandir du coin de l’œil, quand vous partiez pour devenir un peu plus libres loin de moi. Tous ces bouts de temps passés avec vous sont des morceaux colorés sur le tissu de ma vie, qui forment le dessin le plus beau que j’ai jamais réussi à composer.
Vous êtes des hommes debout, je ne voudrais différents pour rien au monde.
Vous m’avez appris à être mère, et je poursuis mon apprentissage, un jour après l’autre. Vos sourires, vos larmes m’ont construites et m’ont émue, je ne me lasse pas de vous regarder vivre. Vous êtes des lumières dans les petits univers dont vous êtes le centre, et vous éclairez mes pas autant que je peux éclairer le vôtre, peut-être.
Je me souviens de tout, les câlins aux bébés que vous étiez, les jeux de bisous, les courses folles dans la forêt, la pêche sur le bateau, les soirées crêpe, les descentes de ski à toute vitesse ou sur les fesses quand on ratait le virage, les promenades au bord de l’eau à La Rochelle et les festins de glace sur l’île du Prince Edouard, les rires de partout et ces interminables soirées film/pop corn qui nous permettaient de régaler l’âme et de nourrir l’imaginaire…
Aujourd’hui, vos sourires ont un peu vieilli, ils sont devenus matures, ouverts, et posés. Restent les câlins, ceux que vous continuez à donner sans retenue et que j’accueille avec une gratitude qui frise l’indécence…
On a vécu des aventures incroyables, et la plus belle de toutes, c’est bien de vous avoir mis au monde…
Aux femmes de ma lignée
En tant que thérapeute, je remarque un phénomène touchant… Les patientes que je suis (car elles sont le plus souvent des femmes) arrivent toujours, au terme d’un long travail sur elles, à travailler sur leur lignée. La lignée des femmes qui les ont précédées. C’est une expérience que je fais aujourd’hui, après des années de retour sur mon identité, sur les fondations nouvelles de la vie que je choisis pour moi… Je connais des bribes, des petits bouts d’histoires de ces femmes qui habitent ma famille. J’en perçois les souffrances, les mots tus, les erreurs, les transpirations invisibles. J’ai écouté, prêté l’oreille à ce qui n’avait pas été dit. Le cœur, l’intuition ont perçu les silences lourds, et les cris qui n’avaient jamais été poussés. Comme une chaîne de douleur qui s’est prolongée, en filigrane, jusqu’à moi, jusqu’aux femmes de ma génération. J’ai perçu dans ma vie la trace de ces pertes de liberté, de ces limites qui ont pu, à maintes reprises, contraindre mes choix et les cantonner à des cadres bien trop petits…
Le travail que j’ai réalisé depuis quelques années, c’est un peu le leur. Je casse les schémas. Par conflit de loyauté, je peine à laisser au sol la chaîne qui les reliait. Comme si je me sentais coupable de les abandonner à leur sort… Je sais, je sais bien au fond, que c’est un lien puissant et d’une tout autre nature, qui va les relier désormais entre elles. Un lien doux, sain, un lien qui n’étouffe ni n’éteint. Mais il faut d’abord casser la chaîne et qui suis-je, moi, pour le faire une bonne fois pour toutes ? Je le fais, c’est indéniable. Je m’affranchis des règles invisibles qui ont pu régir leurs vies, à leur insu. Je fais péter le cadre, toujours trop petit et ce depuis le départ, pour la grandeur qu’elles auraient pu manifester, déployer. Ce qu’elles ont fait malgré tout parfois, jusqu’à un certain point. Ce point, je veux qu’il recule désormais. Je ne me donne aucune limite, car je sais qu’il n’en faut pas. Ou alors celles que je me choisirai, si je le juge nécessaire.
Car il y a un temps pour pleurer, et il y a un temps pour guérir. Un temps pour raser, un temps pour construire. Je vais donc construire, et le faire la joie au cœur, car de me libérer de mes vieux schémas m’autorise à le faire pour elles, qui n’ont pas toujours eu cette chance. Je le fais également pour les femmes qui prendront ma suite, mes petites filles peut-être… ? Ce travail de schémas que l’on casse pour soi, il atteint finalement toutes les générations et libère le monde. L’enjeu en vaut la chandelle.
Merci à toutes ces femmes qui m’ont précédées de m’avoir guidée, de me réchauffer de leur présence, de leurs encouragements muets, jour après jour, quand les doutes refont surface et que la route est dure, chaotique, sèche comme un désert de sable. Je sens votre amour et cela m’aide à poursuivre. A nous toutes, on va arriver à se libérer des vieux tissus qui ont étouffé nos vies, notre créativité, notre intuition et nos parts féminines si précieuses…
Une fin de journée d’août 2020…
C’est une fin d’après-midi d’été. Je suis assise sur le sol nu. Un lino vieillot qui a des trous par endroits. La peinture sur les murs est défraîchie, abîmée. Dans la cuisine, le papier peint a des couleurs de vert anis passé, un motif démodé. Je n’ai même pas pris la peine d’ouvrir tous les volets. J’ai le dos au mur. Dans tous les sens du terme. C’est un de ces moments dans l’existence où tout se casse la gueule. Je suis là, par terre, et je pleure, dans la pénombre. Seule. Pour la première fois, seule. Vraiment totalement seule. Quelque chose que je n’ai jamais vraiment connu… Peut-être un peu, vingt ans auparavant, lorsque je m’étais retrouvée sans domicile lors d’une année en Angleterre : une mauvaise organisation en transition de fin de trimestre, j’avais dû chercher une piaule en quelques jours et je dormais chez une copine. Mais à cette époque, je n’étais pas seule, pas vraiment. Là, je suis obligée de considérer le désarroi qui me gagne à respirer avec difficulté dans cet appartement vide que je viens de louer. Il fait trop chaud. Je transpire, je me sens vide, mal, bousculée. Ne sachant plus où me réfugier dans cette vie que je ne connais pas encore. Que j’ai pourtant choisie, sans savoir ce qu’elle pourrait offrir. Je quitte mon mari. Je laisse mes enfants flotter derrière. Je me sens terriblement coupable. Et pourtant, la partie de moi qui a décidé de partir sait que j’étais en train de mourir. Et plus du tout à petits feux… Je me délitais dans cette vie où je n’existais plus.
Je sens le sol inégal sous mes mains, je sens les odeurs de renfermé me lever le cœur. Je perçois dans le ventre cette sensation terrible de manque. Le manque de moi, d’espoir, de certitude. Je sais qu’il fallait changer, mais avec en plus l’annonce récente de ma maladie, le sac est un peu trop lourd à porter. Seule. Je pleure un coup.
Puis je relève le nez. L’apitoiement n’a jamais été trop aidant, je m’en suis souvent rendue compte… Il fallait ce sursaut, à moi de l’assumer à présent. A moi de meubler cette maison neuve, de m’approprier cette nouvelle vie que je veux pour moi. A moi de cultiver l’espoir qui me manque aujourd’hui, un jour après l’autre, comme une petite plante qu’on arrose parce qu’on a besoin de la voir grandir, prendre de l’ampleur, de l’espace… A moi d’écrire le scénario de cette nouvelle vie qui m’attend, une vie où je n’ai plus envie d’être dans l’ombre de quelqu’un, où je veux apprendre coûte que coûte que mon bonheur, il ne tient qu’à moi et que je suis capable de le créer toute seule, justement. J’ignore totalement de quoi sera fait mon futur, ni sur quoi je m’appuierai pour avancer sur ce chemin. A part mes enfants, ma famille retrouvée, quelques amis chers, le reste je ne sais pas. Je ne sais pas non plus comment va se dessiner ma nouvelle carrière. Quand j’y repense, dans le bruit des camions qui passent en bas et menacent de faire péter les vitres de l’appartement, j’aurais vécu en quelques semaines les plus gros stress d’une existence… Changement de lieu de vie, de travail, de situation familiale, deuil d’une santé que je croyais immortelle, j’aurai aussi à vivre le décès d’une personne chère dans les mois qui suivront… Comme si la vie me mettait au défi de me relever après tout ce déballage de difficultés. Comme si j’en étais capable, capable de transformer le plomb en or, la vie brouillée en éther…De toute manière, je n’ai pas le choix. Il faut avancer, recommencer à planter des graines, sourire de nouveau, et embrasser cette vie que j’ai choisie pour moi, apprendre, me tromper, trébucher encore et toujours, me relever encore et toujours… Je sais, de façon diffuse et intuitive, que je vais trouver là une clé fondamentale. Toucher ultimement à cet espace de calme et d’amour que l’on a tous en soi. Que je vais finir par trouver la source de la joie, et que cette dernière est en moi à présent. Tout est à construire, et c’est peut-être là que réside la plus grande liberté. Seule, mais avec moi désormais.
Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas…
Je suis en train de lire S’aimer enfin ! de C. Fauré. Cet auteur m’accompagne de ses livres depuis plusieurs années. J’avais lu d’abord son livre sur la crise du milieu de vie. C’est en relisant un des passages que, le 2 janvier 2020, j’ai pris la décision de divorcer de mon mari, après 25 ans d’existence partagée. Une décision irrévocable, et que je n’ai jamais regrettée, puisqu’elle m’a permis de connaître le bonheur que je connais aujourd’hui… J’ai aussi lu celui qu’il avait écrit sur la crise du couple et qui m’a aidée à envisager la séparation, à l’intégrer. Aujourd’hui, ce livre que j’ai entre les mains résonne une fois de plus d’une manière particulière… Car le chemin de vie qu’il décrit, le sien, est en écho parfait avec le mien. Bien sûr, je n’ai pas passé 2 ans dans un monastère bouddhiste, je ne médite pas plusieurs heures par jour… Mais je commence à entrevoir, à percevoir, les états qu’il décrit lorsqu’il évoque cette partie en lui qui reste stable dans la grande difficulté.
Après 2 ans d’un voyage chaotique où j’ai touché du doigt la grande solitude, des difficultés physiques et émotionnelles que je n’avais encore jamais connues, des impasses et la confrontation avec mes vieux schémas, mes parts les plus sombres… voilà que j’arrive à une étape. C’est un peu le temps de repos avant la course folle qui devrait enchaîner, je le pressens depuis quelques temps. Ce repos, je le veux salutaire, tranquille, rempli de la conscience du chemin parcouru… J’ai eu le sentiment, durant 2 années, d’être un pantin désarticulé tant les vagues qui m’ont secouée ont pu être violentes parfois. Mais j’avais la volonté tranquille de ceux qui veulent aller au bout. J’y suis allée. Au bout du schéma qui m’avait rendue aveugle et qui s’est finalement déchiré comme un voile, me permettant de voir ce qui demeurait jusque-là invisible. Au bout de mes espoirs, de ces trahisons envers moi-même, des pans d’un passé peu brillant que je voulais me cacher… Au bout de ma fatigue, et de ces moments où l’ego perd pied et fait n’importe quoi, est prêt à tous les discours pour revenir à ce qu’il connait. J’ai tenu bon. Grâce à mes amis, ma famille, à ces podcasts sur la spiritualité, la loi de l’assomption… Grâce à des heures passées à marcher, durant des kilomètres, pour faire avancer la connaissance que j’avais de moi, pour remuer et oxygéner ces pensées qui avaient besoin de s’aérer… Grâce à l’homme que j’ai aimé et qui m’a permis de comprendre combien il était vital de ne plus faire de concessions sur celle que j’étais, de m’accepter moi-même telle que j’étais pour que, plus jamais, aucun homme ne soit le prétexte que je choisis pour me perdre à mes propres yeux.
Je me suis appuyée sur cette expérience pour devenir enfin la personne que j’étais vraiment. J’étais déterminée à dépasser toutes mes limites pour incarner enfin celle que je voulais être. Pour être dans cet endroit, quelques mètres sous la surface du lac. Ce niveau à partir duquel l’eau ne bouge pas, quel que soit le temps, quels que soient les vents et les vagues qui s’énervent au-dessus. Je voulais connaître cet espace tranquille qui ne s’émeut pas des événements qui se jettent sur la surface du quotidien. Je suis en train de trouver cela. Et ce coin dans ma conscience, il ne dépend de personne, il est vierge de toute influence, je m’y réfugie désormais lorsque j’en ressens le besoin. Ce que décrit C. Fauré dans son livre, c’est cette quiétude qui ne doit rien à personne et qui est là, en chacun de nous, lorsqu’on enlève toutes les couches qui en obstruent l’accès. C’est ce que j’essaie de montrer du doigt à mes patients lorsqu’ils cheminent vers eux-mêmes. Certains le trouveront. D’autres pas. C’est ainsi. Mais me revient souvent ces temps-ci le magnifique titre d’un livre de photo de Boubat avec les écrits de Bobin : « Donne-moi quelque chose qui ne meure pas ». Je pense qu’avec ce voyage de 2 années au cœur de moi-même, je me suis trouvée, et j’ai mis la main sur quelque chose qui ne meure pas…
Serendipity
Il paraît que le hasard existe. Je n’y crois plus depuis longtemps. Je crois à de minuscules chaînes d’événements qui se tissent ensemble dans un but inavoué que l’Univers conspire à établir pour nous. Toujours dans une optique heureuse.
J’en étais là, à préparer à la dernière minute mon petit voyage. J’avais décidé de passer quelques jours dans le sud, improvisation totale car j’apprends à lâcher prise et je m’entraîne pour cela. Petit exercice donc. Je lance ma proposition de trajet sur blablacar, la veille de mon départ, qui devait démarrer à 6h. A ma grande surprise, un jeune homme est intéressé par le voyage. Je dois le prendre vers Valence. Qu’à cela ne tienne. On se retrouve au parking relais. Il a la mine des voyageurs, plusieurs gros sacs, de ceux que traînent les baroudeurs chevronnés qui ne veulent rien devoir à personne, qui s’adaptent à tout et font feu de tout bois. Il entre dans la voiture, on commence à papoter. Il répond volontiers à mes questions, me parle de lui. De ses études à Sciences Po. Comme moi. De son choix de partir voyager. Comme moi. De sa vie sur des bateaux. Comme moi ! C’en était presque comique tant nos trajectoires se répondaient ! Alors quand j’apprends qu’il cherche à acheter un bateau, je lui parle de mon livre sur le sujet : Femme(s) à la Mer. J’y fais notamment un chapitre sur le choix du bateau pour faire le tour du monde, et sur les manières de l’aménager. Et je détaille un peu. Il m’arrête. Ce livre, il l’a lu !!!! Il a lu mon livre, alors qu’il naviguait sur le bateau d’une famille qui venait de La Rochelle. Sans doute une des personnes à qui j’avais vendu mon bouquin sur un salon nautique l’année de sa sortie, en 2016 ! Le moment est simplement ahurissant. Et me fait rire. Ce clin d’œil de la vie est tout simplement incroyable… What are the odds ??? J’ai laissé Noé à son point de destination avec un sourire en coin et de la gratitude pour le moment partagé. Tout cela est comme un joli cadeau, emballé pour moi par l’existence. Je prends !
Parlons d’amour !
It’s been ages since I last wrote something in this blog !
Je vous pose le décor ? Petit spectacle de rue à Saint Genest Lerpt. Une toute petite femme enceinte avec un sourire immense, une chatche d’enfer, un short en jean et un T shirt qui moule son joli ventre. Lui, il arrive avec une barbe de 4-5 jours, un anneau à une oreille. Les deux parlent d’amour. Nous, on est là, à écouter ce spectacle qui semble être simplement un dialogue entre eux, au début. Ça parle d’amour. De ce qui nous échappe, la plupart du temps. Ils redisent comment ça fait, au début. Et pourquoi ne pas tomber en amour avec tous nos voisins ? Qu’à cela ne tienne ! Bien vite, tout le monde se met à la queue leu leu, on forme un cercle, puis un cercle dans le cercle, et nous encourage un troisième larron, jeune et moustachu, un peu le look de Freddy Mercury, qui se balade entre les gens, dans le chemin laissé libre entre les cercles formés par nous, toujours en file. Il est vêtu d’un slip rouge vif flanqué d’une paire d’ailes argentées en tissu synthétique, de chaussures à la romaine qui remontent haut sur les mollets, et il a des gros cœurs roses peints sur le torse, des boucles d’oreilles en forme de cœur… Le gars nous parle d’amour. De ces moments épars où l’amour se balade entre les gens, et de nous à qui il incombe de le faire vivre, enfin !
Après un moment à tourner comme ça, il nous fait nous arrêter. Et près d’une petite centaine de personnes, en cercle, se prennent les mains. On attrape celle du voisin, de la voisine. On ferme les yeux.
Il nous emmène en voyage. Il nous fait revivre un moment d’amour. Un moment où nous avons été amoureux. Alors, je vous le propose : attrapez donc là tout de suite un moment où vous avez été amoureux. Un instant de votre vie, où vous aviez les papillons. Laissez remonter le souvenir… Retrouvez les odeurs de cet instant volé aux ailes du temps. Les bruits, autour de vous. Quelles étaient les sensations, la façon dont le corps était installé, ce que vous pouviez voir… Moi je me suis rappelé un moment précis. J’y étais. Au milieu de cette place, avec tous ces gens qui voyageaient dans leurs souvenirs, j’étais dans les bras de ce chéri dont j’étais amoureuse. Ce n’était pas un moment extraordinaire de notre histoire, juste un moment dont je me souviens, qui était précis et chéri dans ma mémoire. J’ai laissé quelques larmes baigner mon visage, parce que c’était beau, c’était bon de se retrouver dans ce temps suspendu pour quelques secondes.
Où sont les moments d’amour ? Qu’en faisons-nous ? Les laissons-nous partir, ou bien sommes-nous à jamais capables d’en faire une petite suite heureuse et qui se niche joyeusement dans tous les recoins du quotidien ? Ce spectacle, je l’ai trouvé terriblement touchant. Simple et authentique. Bienvenu après ces mois de confinement où les gens ne se touchaient plus, où chacun allait son chemin en faisant un détour pour ne pas être en contact. Retrouvons le sens du contact, de la chaleur humaine. Et déployons l’amour dans toutes ses formes. L’amour amoureux, mais aussi l’amour filial, l’amitié, l’amour qui se vaporise dans une conversation avec des inconnus, celui qui s’infiltre dans un sourire au détour d’une rue, l’amour simple qui se transmet par la voix, le geste, le regard…
Le spectacle était de la compagnie Superfluu (https://www.cie-superfluu.com) sur lequel on peut lire cette très belle citation :
« On peut consolider la falaise d’où l’on va sauter, mais pas le vide dans lequel on s’élance. » Eugène Lion.
Et, à tout prendre, Eugène a raison : l’amour c’est un vide que l’on ne pourra jamais consolider… A un moment donné, il faut se lancer !
La genèse de A vos Rêves… Prêts ? Partez !
Il était une fois un livre sur les rêves. Voici son histoire, en quelques mots. Parce qu’on me pose souvent la question : pourquoi écrire un livre sur les rêves ?
Une partie de la réponse se trouve sur la page instagram de Dare Women, une association chère à mon cœur et dont la fondatrice, Frédérique Picard Le Bihan, m’a interviewée récemment au sujet de ce livre. Vous trouverez cette interview sur le lien suivant : https://www.instagram.com/p/CXJu-zwKZJC/
Alors pour répondre à cette question brûlante, je me replonge dans le contexte de 2016, au moment où je viens de terminer la rédaction de mon dernier roman (publié en 2021 aux Editions du Loir : Tricots, Flingues et Bras Cassés). J’étais partie sur un autre roman, mais le tout n’avançait pas et patinait drôlement… Je cherchais une voie pour sortir de ce marais où je pataugeais allègrement, et soudain, un jour, tout s’est éclairé. J’ai compris qu’il me fallait répondre à toutes ces personnes qui, lors de la sortie de mon premier livre (Femme(s) à la mer, édition Ancre de Marine, 2016), m’assuraient que les rêves, ce n’était pas pour eux. Ils rêvaient de faire ce que nous avions fait en famille : un voyage en bateau, mais ce n’était pas le temps, ou alors ils n’avaient pas l’argent, la santé, l’âge adéquat… Il y avait toujours quelque chose qui accrochait et retenait leurs rêves sur la terre ferme. Ces rêves qui, pourtant, ne demandaient qu’à s’envoler…
Je me suis mise à la tâche. J’ai senti qu’il fallait répondre à toutes ces personnes, leur faire comprendre que ces barrières qu’ils dressaient entre eux et leurs aspirations les plus profondes, ils avaient les moyens de les faire sauter… Quoi de plus naturel, alors, d’aller explorer en soi et autour de soi ce qui fait le terreau des rêves ? J’ai plongé dans ma propre vie, pour en sentir les courants souterrains et comprendre les mécaniques à l’œuvre dans les événements qui l’avaient marquée. Et puis j’ai ouvert mes radars pour détecter autour de moi ces rêveurs qui vivent discrètement, le plus souvent, tout autour de nous. Je me suis laissée inspirer, guider par des rencontres, attirée par des amitiés qui existaient parfois depuis longtemps avec certains rêveurs, j’en ai rencontré d’autres à l’occasion de l’écriture de ce livre. Chacun a nourri ma réflexion avec générosité, talent, humilité… Et ceux qui ont le plus contribué à ce livre n’ont pas forcément été ceux dont le parcours était le plus bruyant…
J’ai donc passé, avec chaque personne qui a mis sa touche à ce livre, des heures à discuter. On s’installait dans un café, à leur domicile, ou bien par téléphone. Je me suis parfois déplacée dans d’autres villes pour les rejoindre. Mais chaque fois, la rencontre a été émouvante, j’ai été touchée de l’honnêteté de ces rêveurs qui sont allés au bout de leur rêve, qui se sont appuyés sur les ressources qu’ils avaient en eux pour forcer les limites de l’ego, quitter la zone de confort, sortir ce qu’ils avaient de plus vivants et de plus lumineux !
Ce que j’en ai tiré, ce sont des processus, des parcours, des pistes. J’ai tenté, dans une sorte de synthèse d’équilibriste sur le fil, d’agréger ces idées autour d’une structure qui pourrait accompagner le lecteur. Le livre fourmille d’exercices et de références pour que chacun puisse y trouver des éléments qui lui ressemblent, lui correspondent. Il était en effet impératif pour moi que chaque personne arrive à prendre dans le livre ce dont il avait besoin pour se mettre en chemin, pour bouger l’énergie en elle afin d’entreprendre le voyage vers soi qui se manifeste dans la réalisation d’un rêve. Les exercices, je les ai inventés parfois, ou empruntés à des auteurs. Je les ai testés, mis en pratique, et j’ai tenté de les rendre assez variés pour qu’ils touchent un maximum de personnes, chacune dans ses goûts et ses aspirations.
Et pour ce qui est de Maxime, qui a préfacé mon livre, notre rencontre s’est faite le plus naturellement du monde ! J’habitais à l’époque à Tours, et j’avais apprécié la personnalité de Maxime, et l’énergie qu’il avait mis à promouvoir la permaculture à la ferme de la Bourdaisière. Moi-même attirée par l’écologie et les méthodes de culture respectueuses de l’environnement, j’avais envie de voir, en vrai, à quoi ressemblait un rêveur écolo ! J’ai donc pris contact avec lui directement, un peu au culot. Le jour où nous nous sommes rencontrés, il faisait beau, je suis partie de chez moi en vélo pour faire la vingtaine de kilomètres qui me séparaient de la ferme. Il faut dire qu’à Tours, les pistes cyclables sont omniprésentes, ce qui rend les déplacements très agréables en vélo ! J’ai débarqué à la Bourdaisière, un magnifique château posé dans un écrin de verdure, et j’ai fait la connaissance de Maxime. Nous nous sommes posés au bord d’un champ (mais est-ce le nom que l’on peut donner à un entrelac de plantes savamment organisées autour d’une logique d’abondance et de symbiose ?). Nous avons pu échanger durant une heure, et Maxime a répondu à toutes mes questions, s’est vraiment impliqué dans les réponses, a généreusement partagé son expérience et son point de vue. J’ai adoré sa présence, son énergie communicative… Je me suis laissée baigner par le flot d’idées qu’il produit à chaque minute pour se réinventer en permanence… Et c’est avec beaucoup de gentillesse qu’il a accepté de préface mon livre, lui donnant un éclairage positif, porteur de ces changements qu’il impulse dans le monde d’aujourd’hui pour faire germer des rêves : les siens, et ceux de tous les gens qui gravitent autour de lui !
Voilà, j’espère être parvenue à ouvrir des fenêtres, à faire venir de l’air et de l’énergie là où l’atmosphère est parfois confinée dans un quotidien trop serré, par le biais de ce livre. J’espère que le voyage vous convaincra de donner des ailes à vos rêves. Cela me rappelle un soir d’automne où mon fils ainé, à l’époque bouleversé par de grands questionnements, était allé courir. Avant qu’il ne s’élance, je l’avais pris dans mes bras, et je lui avais soufflé : « J’aimerais que tu arrives à voir les ailes que tu as dans le dos… ». Il est parti, et à son retour, il m’a dit, avec un sourire dans le regard : « Je les ai vues, mes ailes, maman ». Je vous souhaite de voir les ailes que vous avez dans le dos…